Nouvelle-Calédonie : comprendre d’où vient la crise actuelle

Ça a chauffé en mai 2024 en Nouvelle-Calédonie. Si ce territoire d'Outre-Mer peut paraître très éloigné de la métropole, il n'en reste pas moins un territoire français et forcément, les évènements qui s'y passent peuvent être un sujet à discuter en entretien. Voici les infos pour mieux comprendre la situation.

GÉOGRAPHIEPOLITIQUE

6/3/20243 min read

Cet article a été rédigé par Naomie de SoToSpeak School. Elle est prof de FLE et enseigne le français oral aux niveaux intermédiaires et avancés.

Un peu de contexte

La Nouvelle-Calédonie est un archipel situé dans le Pacifique sud. Les premiers européens arrivent en 1774 : l’explorateur britannique James Cook découvre la Nouvelle-Calédonie. De plus en plus d’anglais et de français s’installent sur le territoire, qui devient un lieu stratégique. En 1853, la Nouvelle-Calédonie devient officiellement une colonie française.

La cohabitation entre le peuple autochtone Kanak et les Caldoches se fait parfois dans le calme et parfois dans la violence. Les Caldoches sont les descendants des colons européens, installés sur le territoire depuis des générations. Dans les années 1970-1980, le mouvement indépendantiste prend de l’ampleur avec le développement de “l’identité kanak”. La revendication de l’indépendance se base sur une culture commune et sur la fierté d’être mélanésien. Aux indépendantistes s’opposent les loyalistes, qui souhaitent que la Nouvelle-Calédonie reste française. Les tensions et les violences entre les indépendantistes et les loyalistes augmentent

jusqu’en 1988, où une prise d’otage fera 23 morts, dont une majorité de Kanaks.

La Nouvelle-Calédonie compte aujourd’hui 270 000 habitants. La population calédonienne est multiple et de nombreuses ethnies se côtoient : il y a les Kanaks et les Caldoches, mais aussi des personnes originaires de Polynésie, du Vietnam, d’Algérie, de Wallis-et-Futuna, d’Indonésie, du Japon, de Chine, du Vanuatu et, évidemment, il y a beaucoup d’arrivants de France métropolitaine.

Le projet de loi constitutionnelle

Pour calmer les tensions après les “événements” de 1988, des discussions ont eu lieu entre les indépendantistes, les loyalistes et l’Etat français. En 1998, des accords sont signés dans le but de proposer une solution temporaire à la question de l’indépendance. L’idée était de proposer une décolonisation progressive et inclusive de tous les peuples. L’un des articles de ces accords, encore applicable aujourd’hui, concerne le droit de vote : seules les personnes qui avaient le droit de voter en 1998 (et leurs descendants) ont aujourd’hui le droit de voter en Nouvelle-Calédonie.

L’objectif était double :

• garantir que la population Kanak ne serait pas défavorisée par le nombre croissant de personnes venant s’installer en Nouvelle-Calédonie.

• s’assurer que les personnes nouvellement arrivées ne pourraient pas se prononcer sur l’avenir du territoire.

C’est un projet de loi constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres. Cette loi, approuvée par le Sénat le 2 avril et par l’Assemblée nationale le 13 mai, concerne le sujet épineux du droit de vote.

Le projet de loi propose d’élargir le corps électoral et d’y inclure les personnes résidant sur le territoire depuis plus de dix ans. 20% des habitants actuels de Nouvelle-Calédonie pourraient donc accéder au droit de vote.

Avec ce projet de loi, l’Etat français est accusé de favoriser le camp loyaliste au détriment du camp indépendantiste. Aux yeux de certains indépendantistes, les discussions n’ont pas été équitables et leurs demandes n’ont pas été entendues. La remise en cause du droit de vote est considérée, pour beaucoup de calédoniens, comme une marche arrière dans le processus de décolonisation progressive.

Ce qui se passe aujourd’hui

Le texte doit encore recueillir l’approbation du Congrès pour être définitivement adopté. Mais les débats ont déclenché de nombreuses manifestations, émeutes violentes et affrontements armés depuis le 13 mai dernier. Le 15 mai, l’état d’urgence a été décrété et maintenu jusqu’au 27 mai.

Encore aujourd’hui, un couvre-feu est imposé de 18h à 6h sur l’ensemble du territoire. Emmanuel Macron, le président de la République, s’est rendu sur place le 23 mai. Il s’est engagé à accorder un délai de quelques semaines pour permettre aux différentes parties de trouver un accord qui pourrait remplacer le projet de loi constitutionnelle. Le projet de loi n’a pas été retiré à ce jour.

Pour aller plus loin

Émeutes en Nouvelle-Calédonie : le spectre de la guerre civile, France Culture, émission diffusée le 15 mai 2024 (37 minutes).

Nouvelle-Calédonie : les questions pour comprendre la crise, Le Monde, article du 17 mai 2024.

Nouvelle-Calédonie, le spectre de la guerre civile ? LCP Assemblée nationale, Ça vous regarde, émission disponible du 15 mai 2024 au 14 mai 2026 (1 heure).

Émeutes en Nouvelle-Calédonie : chronologie de 15 jours de violence, NC 1ere, France Info, article du 27 mai 2024.